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Mesmer et la découverte du magnétisme

Mesmer (1734-1815) a la double particularité d’avoir été jugé à la foi comme un génie et un charlatan. Son influence a été énorme, devenant la référence du magnétisme curatif avec un avant et un après Mesmer. De plus, il ouvre la voie à de nombreux champs de recherches dont celui de l’inconscient, précurseur de la psychanalyse et de la psychothérapie. Charles Hervier, dans sa Lettre sur la découverte du magnétisme animal présente cette place cruciale du personnage : « On lui aurait élevé des autels à Athènes et à Lacédémone; on l’a couvert de mépris et de ridicules ; sa fortune, sa vie et son nom ont été exposés aux plus grands dangers ; il a subi le sort du fameux Galilée, poursuivi par le fanatisme de son siècle pour avoir soutenu le mouvement de la terre ; on l’a traité de visionnaire comme le célèbre Harvey qui enseignait la circulation du sang ; on l’a persécuté comme Christophe Colomb qui découvrit le nouveau monde ; enfin, on l’a joué sur le théâtre comme Socrate, pour le faire haïr du peuple ». Cet article va avoir pour but de présenter les premiers pas de Mesmer dans la découverte et l'application du magnétisme.

Mesmer Formation Magnétisme


Thèse sur l’influence des astres

Mesmer reçoit le grade de docteur de philosophie en 1759 puis suit une formation en droit et en médecine à Vienne. Sa thèse de médecine est soutenue en 1766 alors qu’il est déjà âgé de 32 ans et a pour titre De l’influence des planètes sur le corps humain (Dissertatio physico-medica de planetarum influxu). Cet intitulé est assez flou dans le cadre conceptuel actuel. La référence à phsyico-medica (mal traduit en français par influence) indique les implications médicales de la physique des astres sur l’homme.

Le sujet est polémique à l’époque, comme le souligne notre protagoniste : « Il y aura des gens qui fronceront les sourcils et dont j’encourrai les reproches quand ils liront le titre de cette petite thèse et verront comment un homme comme moi, bien que sans importance, entreprend, après tant d'efforts du célèbre Mead, d'insister sur l'influence des astres ». Cette thèse est en réalité ambiguë et signe de l’esprit de Mesmer avec d’un côté une approche « officielle » de la médecine qui se veut être celle de son temps autour des travaux de Newton et d’une supériorité de la science pure et de l’autre la référence aux travaux des magnétiseurs de la Renaissance qui indique l’influence des astres (énergie) sur l’homme. Cette ambiguïté provient de la formation même de notre apprenti magnétiseur lors de son séjour au séminaire jésuite de Dillingen, où il étudie les œuvres d’Athanasius Kircher (1602-1680) et du lien entre la thérapie et l’utilisation de l’aimant.

Ce travail s’inspire également des travaux d’un disciple de Newton, Richard Mead et de son ouvrage De imperio solis aclunœ (1704) en substituant le terme d’imperium (impériale – supérieure) au profit non pas d’influentia (qui correspond à l’action des astres sur la destinée) mais d’influxus qui peut se traduire par influence ou plutôt influx des astres. D’un point de vue physiologique, il s’agit de l’équivalent d’un influx nerveux. Et Mesmer de reprendre ces travaux qui précise que le système vital est soumis, comme les flots de la mer, aux flux et aux reflux de l'énergie.

C’est en effet l’objet de sa thèse que de faire le lien entre une force universelle dans le corps humain qui serait identique et/ou influencée par celle existant dans le cosmos (microcosme versus microcosme défendu par Paracelse). Cette énergie se traduit par l’image d’un fluide. Mesmer fait alors déjà référence à une force animale (en opposition à une force divine ou minérale) : « II y a, en outre, une autre espèce d'influence qui agit sur le corps animal, influence qui ne semble pas dépendre de ces qualités communes de l'atmosphère, mais plutôt immédiatement de cette force qui [...] est la cause de la gravitation universelle et, très probablement, le fondement de toutes les propriétés corporelles, [...] force qui peut, sous ce rapport, être appelée gravité animale ».

P. Hell et le magnétisme minéral

Ses premières années de pratique de médecin s’orientent vers l’application du magnétisme minéral, c'est-à-dire de l'utilisation de la pierre d'aimant pour traiter les maladies comme le faisait Paracelse (encore une fois lui !) dans ses traitements. Cette technique consiste dans l’application d’un aimant sur la partie/organe malade afin de le soulager. Ces travaux trouvent

leur source à partir de 1772 dans ceux d’un jésuite astronome appelé Maximilien Hell (1720-1792). D’un tempérament à s’emporter rapidement, Mesmer répond aux accusations de plagiat de Hell par celle de contrefacteur. Sans nier l'importance des aimants, c'est à travers ses expérimentations qu'il va dépasser le magnétisme minéral pour se consacrer au magnétisme animal.

La naissance du magnétisme animal

Ses différentes expériences l’amènent à constater vers 1774 que le pouvoir de guérison se retrouve dans le même protocole que celui de Hell mais sans l’utilisation de l’aimant, uniquement avec les mains. Il se rend alors compte que l’attraction universelle est une gravité animale ou magnétisme animal comme il va l’appeler pour la distinguer du magnétisme minéral développé lors de l’utilisation des aimants. Cette force universelle, qui va progressivement trouver le vocable de fluide, est en chacun de nous et le corps y est sensible. Les objets comme les corps peuvent être traités avec ce fluide magnétique.

Nous sommes à la fin de l’année 1774 lorsque le jeune médecin découvre cet étrange pouvoir. Il soigne une jeune patiente logée à son domicile Franzeska von Österlin. Le corps devient sensible non pas uniquement au magnétisme minéral mais à une force universelle dont il est, et c’est là essentiel dans le travail thérapeutique, détenteur. « J’ai rendu magnétique du papier, du pain, de la laine, de la soie, du cuir, des pierres, du verre, l’eau, différents métaux, du bois, des hommes, des chiens, en un mot tout ce que je touchais, au point que ces substances produisaient sur le malade les mêmes effets que l’aimant ».

Le flux intérieur de la personne (ou des objets) peut donc être rétabli sans utilisation d’aucune force existante (en référence ici à l’électricité ou aux pierres magnétiques) mais uniquement grâce à la force magnétique de la personne.

Cette découverte n’est pas non plus étrangère à l’arrivée à Merseburg la même année du prêtre Joseph Gassner (1727-1779) qui s’est déjà fait connaître pour attirer les foules autour de ces pratiques d’exorcisme. Le prêtre est marginalisé par le pouvoir politique et religieux du fait de pratiques douteuses et de rassemblement trop important de foules comme endoctriné par les « guérisons surnaturelles ».


Mesmer prend part à ce phénomène médiatique dès 1775 devant l’Académie des Sciences pour démontrer que l’action du prêtre s’explique aisément par son magnétisme animal qu’il vient de découvrir. Cette prise de parole est facilitée par le théologien Ferdinand Sterzinger qui est un ennemi déclaré de Gassner. Ce dernier va perdre sa splendeur l’année suivante et le pape lui ordonne en mars 1776 de renoncer à ses pratiques (sort attribué à ceux dont le succès apparait trop rapidement et qui peut endoctriner les foules – comme le subira Mesmer quelques années après).

Ces différentes actions font du jeune médecin une personne particulièrement appréciée, ce qui lui vaut son élection le 28 novembre 1775 à l’Académie des sciences. Mesmer défend de véritables guérisons et non de l’escroquerie. Mais il diffère sur l’objet de ce rétablissement qui n’est pas de l’ordre d’une chasse au démon mais du magnétisme. Mesmer vient ainsi « révéler » que les actes d’exorcisme ou de sorcellerie s’expliquent non par des causes diaboliques mais naturelles à travers son approche du magnétisme animal.

Cette approche convainc en partie ceux qui s’opposent à la sorcellerie et voient en apparence une réfutation de ce qui est surnaturel. Mais la conclusion véritable blesse certains scientifiques et notamment le fait, comme l’affirme Mesmer, de transférer le pouvoir thaumaturge des hommes d’Eglise aux magnétiseurs. Un certain nombre voient même dans le personnage un imposteur, à l’image de Jan Ingenhousz qui prétend qu’il s’agit uniquement d’un recyclage des thèses de Paracelse. En effet, la soi-disant découverte de ce fluide, de ce « magnétisme animal » n’est pas sans rappeler les travaux de Paracelse dont Mesmer nie pourtant farouchement d’avoir lu les écrits mais dont la philosophie est identique et le terme lui-même remonterait aux travaux de Kircher.

Il donne un premier aperçut de son système dès 1775 dans Le Nouveau Mercure Savant d’Altona publié en février 1778. Mais il se trouve dès 1775 entre deux eaux, découvreur du magnétisme animal, accepté par l’establishment mais partiellement critiqué pour plagiat. Mesmer ne cite en effet aucun auteur, et fait apparaître son magnétisme comme une découverte venant de nulle part, n’ayant jamais été soupçonnée par quiconque.

Mesmer, homme de terrain, poursuit ses expérimentations. C’est là qu’il forge ses armes. Le jeune médecin ouvre en 1776, un cabinet de magnétisme à son domicile et accueille notamment Maria Theresia Paradis, une jeune pianiste virtuose aveugle depuis l’âge de quatre ans. Il ne promet pas moins que de lui faire retrouver la vue. La chose parait faite et le succès phénoménal est au rendez-vous, le faisant passer bien au-delà des prodiges de Gassner. Mais les choses se gâtent tout aussi rapidement. Les parents de la jeune fille la retirent de la garde de Mesmer par l’intermédiaire de la Faculté de Médecine, en remettant en cause la guérison.

Il s’agit du départ à venir de Vienne qui aura lieu le 22 juin 1778 pour Paris. D’un côté Mesmer défend son départ de plein gré en affichant une lettre d’introduction de Kaunitz à l’ambassadeur d’Autriche à Paris et de l’autre le bruit d’une expulsion pour avoir eu des rapprochements avec la jeune femme. D’un caractère bien trempé et suite à ces accusations de plagiat dans un contexte où les actes de Gassner ne sont pas loin, Mesmer n’a d’autre choix, en plus de ses démêlés avec la faculté de Vienne, de quitter le pays pour se rendre en France et plus particulièrement à Paris.

L’opposition se trouve également plus largement dans la pratique du médecin avec un changement de paradigme médical. Vienne voit apparaître une nouvelle médecine qui impose l’anatomo-clinique, la pharmacologie expérimentale et l’hygiène publique contre l’approche plus liée à l’interaction entre le médecin et le patient. Mesmer décide de rester accroché à l’approche que lui a enseigné son professeur de Haen et est sujet à une forte pression morale pour le changement qu’il refuse.



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