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Les religieux contre le magnétisme au XIXe siècle

La religion tient un rôle important dans le magnétisme car il a souvent été rangé aux côtés de la sorcellerie. Seul Dieu ou les saints sont capables de miracles, les autres ne sont que des représentants du diable. Mais nous avons déjà vu que la frontière est mince. Mesmer lui-même ne s’est-il pas inspiré du prêtre Joseph Gassner. Lorsque le magnétiseur lance sa souscription, plusieurs ecclésiastiques s’inscrivent pour connaître ses secrets. Ces découvertes de la fin du XVIIIe siècle semblent acceptées et encouragées par le monde catholique. Mais cet engouement toucha rapidement aux fondements de la religion et à la place de Santan.


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L’église du XIXe siècle ne s’est jamais prononcé catégoriquement contre le magnétisme. Ce sont certains de ses représentants qui ont pris le sujet à bras le corps et qui ont fait vent contre cette art. « En écartant toute erreur, tout sortilège, toute invocation implicite ou explicite du démon, l’usage du magnétisme, c’est-à-dire le simple acte d’employer des moyens physiques, non interdits d’ailleurs, n’est pas moralement défendu, pourvu que ce ne soit pas dans un but illicite ou mauvais en quoi que ce soit ».

Faria agit de la façon suivante : il ordonne au sujet de fermer les yeux et après un recueillement il lui fait observer le silence. Passé un certain temps, il commande au malade de dormir. S’il ne s’endort pas, il réitère l’ordre à trois reprises, toujours de manière impérative. S’il ne se passe rient passé ces trois injonction, c’est que l’opérateur n’est pas susceptible d’endormir le malade. L’abbé se vente d’avoir fait tomber plus de 5.000 personnes dans l’état de sommeil lucide. Mais il nie l’utilité du magnétisme ou du magnétiseur « Ce qu’il y a de positif, c’est qu’il est démontré par l’expérience qu’on endort les ephialtes et somnambules avec la volonté du magnétiseur, sans sa volonté, et même avec une volonté contraire ».

Jose Custodio da Faria, De la cause du sommeil lucide, 1819.

Abbé Fustier, abbé Wurtz, abbé Fiard

Il soutient, dans La France trompée par les magiciens et les démonolâtres du dix-huitième siècle - Fait démontré par des faits (1803) que le magnétisme est surnaturel et diabolique.

Jean-Baptiste Fiard est né à Dijon en 1736. Elève au collège des jésuites de Godrans, il rentre au noviciat de Paris en 1752 puis, après avoir fait des études de philosophie et avoir enseigné la rhétorique, poursuit des études de théologie avant d’être ordonné prêtre en 1769. Malmené pendant les événements révolutionnaires avec plusieurs emprisonnements, il est libéré en 1795 et poursuit son travail auprès de Dieu jusqu’à son décès en 1818. Ce sont sans contestes les événements révolutionnaires qui attise sa curiosité et sa haine face à toute forme de sorcellerie dont il en plonge l’origine.

Il a particulièrement combattu tout ce qu’il assimile au sorciers (dont le magnétisme). Un commentateur du XIXe siècle dira de lui : « Personne n’a fait aux sorciers une guerre plus ouverte et plus constante : heureusement qu’il a vécu dans ce monde, de manière à faire penser qu’il n’est pas exposé, dans l’autre, aux effets du ressentiment de leur patron ! ». Car c’est bien dans ce domaine qu’est resté gravé son nom contre toute forme de communication avec les démons. Si cette approche aussi féroce peut surprendre au moment ou la chasse aux sorciers s’est fini depuis bien longtemps, c’est parce que l’abbé Fiard assimile les sorciers dans une approche très large de pratiques thérapeutiques et plus particulièrement de l’approche du magnétisme humain proposé par Mesmer puis du somnambulisme qui a suivi.


Ces écrits s’inscrivent dans une tradition catholique de la fin du XVIIIe siècle assimilant le magnétisme à un complot révolutionnaire comme avec J.-F. Lefranc et sa Conjuration contre la religion catholique et les souverains (1792) ou le père Paccanari qui définit le magnétisme comme une arte diabolica.

Il va même plus loin en accordant aux mouvements révolutionnaires français l’origine à travers ce travail de sorcier (Magnétisme et Hypnose). « la France a été horriblement trompée, et qu’on n’avait d’autre objet en la trompant, que d’amener sur elle avec sécurité, le déchaînement de ces Démons et le déluge de maux qui a abymé la nation, et la perdra de nouveau, si enfin elle n’ouvre les yeux ». Et Mesmer est directement cité dans ces attaques

« Il existe en France, il a existé à la cour, des sorciers, des hommes et femmes démons, hommes et femmes qui communiquent réellement avec le démon, par maléfices et sortilèges ont ensorcelé les têtes, horriblement séduit les premiers de la nation, et causé tous les maux qui l’accablent ! ».

Se rapprochant d’un délire dans lequel Fiard réécrit l’histoire en accusant tout signe non scientifiquement prouver de diablerie,

La double diabolisation de la révolution et du mesmérisme se poursuit encore dans le début du XIXe siècle avec d’autres personnages de l’église dont l’abbé Fustier qui maintient, notamment à travers son ouvrage publié en 1815 Le Mystère des Magnétiseurs et des Somnambules dévoilé aux âmes droites et vertueuses par un homme du monde, une approche encore plus mystérieuse que son collègue jésuite. Cette recherche de diabolisation des événements extérieurs se retrouvent également dans les écrits d’autres abbé dont Wurtz, directeur spirituel de la fondatrice de l’Œuvre catholique de la Propagation de la foi Pauline Jaricot. Son « délire » commence avec la publication en 1816 d’un ouvrages intitulé Les précurseurs de l’Anté-Christ dans lequel est fait un parallèle entre la révolution et l’Apocalypse de Saint-Jean et Napoléon identifié à l’ange exterminateur Apollion. C’est l’ouvrage publié l’année suivante, Superstitions et prestiges des Philosophes du Dix-huitième siècle, ou les Démonolâtres du Siècle des Lumières, qui revient plus explicitement sur les traces du magnétisme animal mesmérien. Sur la base d’un plagiat de l’abbé Fiard, il conclut que « seule l’action du démon peut avoir porté le peuple français à commettre les excès de la révolution ».


Cette approche va perdurer à travers la congrégation de l’Index et chez quelques théologiens jusqu’au milieu du XIXe siècle, comme en témoigne le professeur Perrone qui publie Praelectiones théologicae qui cherche à démontrer le lien entre magnétisme et phénomènes liés au démon avec, toujours une démarche de retranscription historique, cherche à rattacher les événements passés aux superstitions magiques de l’antiquité et du moyen-âge. La position pontifical se voudra par la suite plus nuancée en mettant en garde contre les abus du magnétisme animal et en écartant, du moins officiellement, l’analogie avec le démon.

Dans son Mystère des Magnétiseurs et des Somnambules dévoilé aux âmes droites et vertueuses par un homme du monde (1815), Fustier tient le même discours

Abbé Wurtz

L’Abbé Wurtz fait paraître deux ans après son confrère Fustier, Superstitions et prestiges des Philosophes du Dix-huitième siècle, ou les Démonolâtres du Siècle des Lumières (1817) et à pour objectif de poursuivre l’assimilation du magnétisme à la magie noire et l’esprit des ténèbres.

L’abbé Frère

Ce travail se poursuit avec l’abbé Frère qui publie une brochure en 1837 qui porte sur l’Examen du magnétisme animal. Il précise très clairement que le magnétisme et les miracles sont de deux ordres différents et débute son travail par la question : « peut-on expliquer par le magnétisme animal les prophéties, les miracles, les extases, les possessions et les faits de divination ? ». Seuls les objets saints conservent le souvenir de ce qu’elles ont éprouvé tandis que le malade sous état de somnambulisme, n’ont aucun souvenir de ce qui s’est passé et sont ainsi dirigés par l’esprit du démon.


Quelques religieux ont accordé un crédit au magnétisme. L’abbé Loubert par exemple dans son Magnétisme et somnambulisme devant les corps savants, la cour de Rome et les théologiens (1844) qui cherche à démontrer la réalité du phénomène magnétique « Il est probable que dans les temples anciens ou, pour mieux dire, dans les lieux qui furent plus tard transformés en temples de fausses divinités, le magnétisme a d’abord été exercé d’une manière simple et naturelle ; et qu’à mesure que la corruption de l’idolâtrie a fait de terribles progrès, cette action a été corrompue elle-même et mêlée plus tard soit implicitement soit même explicitement, à l’intervention de la puissance des ténèbres ».

P Lacordaire également : « les forces occultes et magnétiques, dont on accuse le Christ de s’être emparé pour produire des miracles, je les nommerais sans crainte et je pourrais m’en délivrer aisément, puisque la science ne les reconnaît pas encore et même les proscrit. Toutefois, j’aime mieux obéir à ma conscience qu’à la science…. Je crois sincèrement, fermement (aux forces magnétiques), je crois que leurs effets ont été constatés, quoique d’une manière qui est encore incomplète (…) je crois que ces phénomènes, dans la grande généralité des faits, sont purement naturels ».

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