Armand Marie Jacques de Chastenet de Puységur, féru de sciences, aime la physique et les mathématiques. Il découvre assez rapidement le magnétisme et se forme aux côtés de Mesmer. Il découvre également fortuitement le somnambulisme magnétique qui deviendra par la suite l'hypnose.
Marquis de Puységur
Le marquis de Puységur (1751-1825) entre dans l’artillerie à 17 ans avant d’être nommé colonel à 27 et maréchal de camp en 1789. Cette avancée est dû à sa passion pour la science, la physique et les mathématiques. Il se passionne également pour la littérature, écrivant des pièces de théâtres dont quelques-unes ont été jouées avec succès. Homme de grande probité, il rembourse la dot de sa femme aux créanciers de son beau-père ayant fit banqueroute, sans que rien de l’y obligeait. Il se passionne, avec ses deux frères, pour le magnétisme autour de Mesmer, étant les premiers souscripteurs à 100 louis pour découvrir ses secrets et sera un magnétiseur convaincu jusqu’à la fin de sa vie.
Dans une démarche de découverte et de recherche propre à la fin du Lumières, il découvre les théories de Mesmer encouragé par ses frères cadets avant de l’expérimenter sur des soldats malades. Le succès arrive rapidement lorsqu’il retourne dans son domaine de Buzancy où il soulage les maux de dents de la fille de son régisseur. Ce résultat spectaculaire incite un jeune valet de la ferme voisine a faire appel à ses service face à un pneumonie. Son nom reste célèbre pour ceux qui étudient l’hypnose. Il s’agit de Victor.
La découverte du somnambulisme magnétique
Tandis qu’à Paris Mesmer met en état de trans les malade, Puységur voit son paysan, contre toute attente, s’endormir. « Quelle fut ma surprise de voir au bout d’un demi-quart d’heure, cet homme s’endormir paisiblement dans mes bras, sans convulsions ni douleurs ». Surpris d’une telle réaction, il poursuit son travail de passes avant de découvrir avec surprise que le jeune homme se met à parler, non pas pour tenir une conversation banale mais pour décrire l’intérieur de son corps et la partie malade. A sa plus grande surprise. « il parlait, s’occupait tout haut de ses affaires. Lorsque je jugeais ses idées devoir l’affecter d’une manière désagréable, je les arrêtais et cherchais à lui en inspirer de plus gaies ; il ne me fallait pas pour cela faire de grands efforts ; alors je le voyais content, imaginant tirer à un prix, danser à une fête, etc. Je nourrissais en lui ces idées, et par là je le forçais à se donner beaucoup de mouvement sur sa chaise, comme pour danser sur un air qu’en chantant mentalement je lui faisait répéter tout haut (…) Le lendemain il ne se souvenait plus de ma visite et m’apprit le meilleur état de sa santé ».
Une autre expérience est assez amusante sur la découverte de l’action pendant le sommeil. Un malade, M. Joly, est atteint de surdité et fut guéri en une semaine mais mis en doute qu’il s’endormit. Il demanda donc à être attaché, persuadé qu’il se rendrait compte si on le détachait. Après la phase de sommeil, Puységur lui fait écrire la phrase « Je me suis détaché moi-même, m’étant lié à ma chaise, de crainte qu’on ne m’endormit mlagré moi : j’écris ici les yeux bandés, en crise magnétique ». Toujours aussi sceptique, il réitère l’opération en se faisant fixer aux jambes des anneaux de fer qui ne pouvaient être enlevés qu’en les limant. Laissons parler Puységur sur la suite : « Beaucoup de personnes venues ce jour-là à Buzancy furent témoins du bruit que l’on fit et de la gêne qu’on lui occasionna pour limiter ses attaches, sans que pour cela il donnât le moindre signe de réveil. Les mêmes témoins lui entendirent prédire que sa guérison aurait lieu le jeudi au soir ».
Puységur voit son nouveau patient décrire avec une grande précision la nature et l’étiologie de son mal et arrive même à décrire la façon, les moyens et le jour de sa guérison. « C’est avec cet homme simple que je m’instruis, que je m’éclaire. Quand il est dans l’état magnétique, ce n’est plus un paysan niais, sachant à peine répondre à une phrase, c’est un être que je ne sais pas nommer : je n’ai pas besoin de lui parler ; je pense devant lui, et il m’entend, me répond […]. Quand il est en crise [de somnambulisme], je ne connais rien de plus profond, de plus prudent et de plus clairvoyant. […] Cet homme est mon intelligence ».
Nous sommes le 4 mai 1784 et ce jour marque une rupture dans le magnétisme avec la découverte de l’hypnose qui va d’abord devenir le somnambulisme magnétique et qui va abandonner l’utilisation du baquet y voyant davantage d’inconvénients que d’avantages.
Cette première expérience laisse la voix à d’autres découvertes du même genre mélangeant sommeil profond et esprit éveillé et surtout des personnes qui peuvent percevoir leur état de santé accompagné du triptyque diagnostic, pronostic, et traitement. Ces facultés d’autoscopie vont rapidement faire que la foule de la région accoure pour se faire soigner. Il les considère comme des médecins car si c’est bien lui qui dirige la séance, ce sont eux qui procèdent au diagnostic et au traitement.
Afin de matérialiser sa découverte dont le nombre d’essai a permis d’en conclure à un facteur inhérent à l’homme et non à un cas spécifique à certains témoins, pousse le colonel à publier ses recherches. Paraît ainsi les Mémoires et Suite des mémoires sur la découverte du magnétisme animal paru en 1786. Ses recherches portent uniquement sur des malades. Après quelques tentatives sur des personnes « saines », il constate que le résultat n’a aucun intérêt et abandonne ces tentatives au profit des purs malades. Il considère ainsi que « s les exhibitions de somnambules entraînés sont une sottise inutile, un abus condamnable ».
La capacité spéciale dont dispose l’homme malade est désigné comme le « sens interne » qui mobilise toutes les ressources de l’âme. Il abandonne ainsi rapidement la suggestion au profit de l’écoute des malades qui disposent de tous les éléments pour se soigner. Le magnétiseur thérapeute n’a juste qu’à « mettre en condition » la personne malade qui, du fait de son état, va rentrer dans cet état et développer des capacités singulières.
Son somnambulisme repose sur le magnétisme universel qui est la base de cet art mais trouve sa cause non pas dans un fluide comme le considère Mesmer et ses successeurs mais dans la volonté qui va pouvoir passer d’un corps à un autre. « La pensée meut la matière (…) et l’action magnétique est une impulsion de mouvement. La pensée qui guide la volonté d’agir est en moi ce qu’est le plateau de verre dans la machine électrique. D’une action naît le mouvement, et point de mouvement qui ne se transmette à l’instant (…). Je magnétisais avec cette persuasion (…) lorsqu’un jour un de mes premiers somnambules m’assura que, soit pour le faire entrer dans cet état, soit pour l’y faire agir ou l’en retirer, l’acte seul de ma volonté suffisait pour déterminer l’effet de ma puissance. Cette lumière, dont je n’apercevais que bien faiblement la clarté, fut néanmoins le fanal qui me dirigea constamment dans toutes mes opérations magnétiques ». Le comte de Chastenet, officier de marine, avait lui aussi découvert cet état étrange en 1783. Disciple de Mesmer comme Puységur, son maître lui avait indiqué de garder le silence, ce qu’il fit pendant un certain temps. Puységur lui rend hommage dans son ouvrage le Magnétisme Animal : « Il n’y a qu’un homme à ma connaissance qui ait découvert le mécanisme des procédés de Mesmer, et cet homme est mon frère, officier de marine, connu sous le nom de Chastenet. Il découvrit d’abord, à travers le chaos des premiers baquets, la cause principale de leurs effets. Dès le lendemain, il alla en fait part à Mesmer. Ce dernier, en s’efforçant de cacher sa surprise, lui témoigna beaucoup de déplaisance, et encore plus d’inquiétude des suites fâcheuses qui pourraient résulter, tant pour lui que pour sa doctrine, des interprétations trop prématurées que l’on en pourrait faire. Mon frère, en approuvant ces motifs, lui promit de garder le secret le plus inviolable sur tout ce qu’il avait découvert et aperçu ; et sa parole fut par lui si religieusement gardée, que, malgré l’intimité de nos affections réciproques, il ne m’en avait pas même fait la confidence, lorsque quinze mois après, il partit pour Saint-Domingue ». Ce secret est le rôle central de la volonté et les effets psychiques qui en résultent.
D’un esprit scientifique, il tente de rendre compte des principaux phénomènes du somnambulisme dont voici énoncés ci-dessous les différents points, très clairement retranscrits de ses Mémoires pour servir à l'histoire ainsi qu'à l'établissement du magnétisme animal (1784), relatant ses découvertes :
1. Isolement du sujet ;
2. Son rapport avec le magnétiseur et, par lui, avec d’autres personnes ;
3. Transmission de sensations et de pensées ;
4. Influence de la volonté du magnétiseur sur le magnétisé, ou suggestion ;
5. Etendue et limite de cette influence ;
6. Pressensations et pressentiments du somnambule ;
7. Lucidité, faculté de voir les maladies et les remèdes, de voir à travers les corps opaques ;
8. Faculté de prévoir l’avenir.
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