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L'opposition du corps médical contre le magnétisme au début du XIXe siècle

Le corps médical n'a pas accepté le pouvoir que prenait Mesmer à la fin du XVIIIe siècle et a tout mis en place pour en discréditer non seulement le rôle mais surtout la place du magnétisme dans l'accompagnement des malades. Vous trouverez dans ce blog quelques rapports célèbres contre le magnétisme au début du XIXe siècle.

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1826 : La commission d’enquête Husson sur le magnétisme

Le 11 octobre 1825, un jeune docteur, M. Foissac, provoque la nomination d'une commission académique, pour examiner de nouveau et le Magnétisme et le Somnambulisme Magnétique. Il indique en effet dans son Mémoire sur le magnétisme animal, adressé à Messieurs les membres de l'académie des sciences et de l'Académie royale de médecine (1825) : « Mes somnambules ne s’écartent jamais des principes avoués de la saine médecine ; je vais plus loin, leurs inspirations tiennent du génie d’Hippocrate » et souhaite que l’Académie, après une grande pause médiatique sur le magnétisme, se replonge dans l’analyse de cet art.

Le 13 décembre, le rapporteur M. Husson prononce que l’Académie va s’occuper de la question du magnétisme car l’approche du somnambulisme n’avait pas été étudiée (et pour cause car non encore existante) en 1784. Après de longs et fastidieux débats au sein de l'académie de médecine, sur la question d'opportunité, cette société nomma en 1826, à 35 voix contre 25, une commission d'examen composée de 9 membres : MM. Bourdois de Lamothe, président : Fouquier, Guéneau de Mussy, Guersent, Itard, J. J. Leroux, Marc, Thillaye, et Husson, rapporteur.

Des expériences nombreuses furent faites et répétées pendant cinq années consécutives en présence des commissaires. Cette fois, la commission prenait son temps pour que rien ne lui échappât de la vérité. Les précautions de défiance dont elle s'entoura avec une prudence et une sagesse digne d'éloges, ne lui firent pas répudier les conditions nécessaires à la production des phénomènes anormaux du Magnétisme. Elle ne négligea aucun moyen pour juger sûrement de la valeur des faits, pour en apprécier les, causes déterminantes et les résultats conséquents.

La conclusion du rapport, lu dans les séances des 21 et 28 juin 1831, cinq ans après l’approbation, est ainsi constituée : « On peut conclure avec certitude que l'état de somnambulisme existe, quand il donne lieu au développement des facultés nouvelles qui ont été désignées sous les noms de clairvoyance, d'intuition, de » prévision intérieure, ou qu'il produit de grands changements dans l'état physiologique, comme l'insensibilité, un accroissement subit et considérable de forces, et quand cet état ne peut être rapporté à une autre cause. Le sommeil provoqué avec plus ou moins de promptitude et établi à un degré plus ou moins profond, est un effet réel, mais non constant du Magnétisme. Il nous est démontré qu'il a été provoqué dans des circonstances où les magnétisés n'ont pu voir et ont ignoré les moyens employés pour le déterminer. Il s'opère ordinairement des changements plus ou moins remarquables dans les perceptions et les facultés des individus qui tombent en somnambulisme par l'effet du Magnétisme. Quelques-uns, au milieu du bruit-de conversations confuses, n'entendent que la voix de leur magnétiseur; plusieurs répondent d'une manière précise aux questions que celui-ci ou que les personnes avec lesquelles on les a mis en rapport leur adressent; d'autres entretiennent des conversations avec toutes les personnes qui les entourent ; toutefois, il est rare qu'ils entendent ce qui se passe autour d'eux. La plupart du temps, ils sont complètement étrangers au bruit extérieur et inopiné fait à leur oreille, tel que le retentissement de vases de cuivre vivement frappés près d'eux, la chute d'un meuble, etc. Les yeux sont fermés, les paupières cèdent difficilement aux efforts qu'on fait avec la main pour les ouvrir. Cette opération, qui n'est pas sans douleur, laisse voir le globe de l'œil convulsé, et porté vers le haut et quelquefois vers le bas de l'orbite. Quelquefois l'odorat est comme anéanti. On peut leur faire respirer l'acide muriatique et l'ammoniaque, sans qu'ils soient incommodés, sans même qu'ils s'en doutent, le contraire a lieu dans certains cas, et ils sont sensibles aux odeurs. La plupart des somnambules que nous avons vus étaient complétement insensibles, on a pu leur chatouiller les pieds, les narines et l'angle des yeux par l'approche d'une plume, leur pincer la peau de manière à l'ecchymoser, la piquer sous l’ongle avec des épingles enfoncées à l'improviste à une assez grande profondeur, sans qu'ils aient témoigné de la douleur, sans qu'ils s'en soient aperçus. Enfin, on en a vu une qui a été insensible à une des opérations les plus douloureuses de la chirurgie, et dont ni la figure, ni le pouls, ni même la respiration, n'ont dénoté la plus légère émotion. Nous avons constamment vu le sommeil ordinaire, qui est le repos des organes, des sens, des facultés intellectuelles et des mouvements volontaires précéder et terminer l'état de somnambulisme. Nous avons vu des somnambules distinguer, les yeux fermés, les objets que l'on a placés devant eux, ils ont désigné, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes, ils ont lu des mots tracés à la main, ou quelques lignes d'un livre que l'on a ouvert au hasard. Ce phénomène a eu lieu alors même qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des paupières. Nous avons rencontré chez des somnambules la faculté de prévoir des actes de l'organisme plus ou moins éloignés, plus ou moûts compliqués. L'un d'eux a annoncé plusieurs jours, plusieurs mois d'avance, le jour, l'heure et la minute de l'invasion et du retour d'accès épileptiques, l'autre a indiqué l'époque de sa guérison. Leurs prévisions se sont réalisées avec une ponctualité remarquable. Nous n'avons rencontré qu'une seule somnambule qui ait indiqué les symptômes de la maladie de trois personnes avec lesquelles on l'avait mise en rapport. Considéré comme agent de phénomènes physiologiques ou comme moyen thérapeutique, le Magnétisme devrait trouver sa place dans le cadre des connaissances médicales. La commission n'a pu vérifier, parce qu'elle n'en a pas eu l'occasion, d'autres facultés que les magnétiseurs avaient annoncé exister chez les somnambules, mais elle a recueilli et elle communique des faits assez importants pour qu'elle pense que l'Académie devrait encourager les recherches sur le Magnétime comme une branche très-curieuse de psychologie et d'histoire naturelle. Arrivée au terme de ses travaux, avant de clore ce rapport, la commission s'est demandé si, dans les précautions qu'elle a multipliées autour d'elle pour éviter toute surprise, si dans le sentiment de constante défiance avec lequel elle a toujours procédé, si, dans l'examen des phénomènes qu'elle a observés, elle a rempli scrupuleusement son mandat. Quelle autre marche, nous sommes-nous dit, aurions-nous pu suivre ? Quels moyens plus certains aurions-nous pu prendre ? De quelle défiance plus marquée et plus discrète aurions-nous pu nous pénétrer ? Notre conscience, Messieurs, nous a répondu hautement que vous ne pouviez rien attendre de nous que nous n'ayons fait. Ensuite, avons-nous été des observateurs fidèles ? C'est à vous, qui nous connaissez depuis longues années ; c'est à vous, qui nous voyez constamment près de vous, soit dans le monde, soit dans nos fréquentes assemblées, de répondre à cette question. Demeurez bien convaincus que ni l'amour du merveilleux, ni le désir de la célébrité, ni un intérêt quelconque, ne nous ont guidés dans nos travaux. Nous étions animés par des motifs plus élevés, plus dignes de vous, par l'amour de la science, et par le besoin de justifier les espérances que l'académie avait conçues de notre zèle et de notre dévouement. Ont signé Bourdois de Lamothe, président, Fouquier, Guéneau de Mussy, Guersent, Itard, J. J. Leroux, Marc, Thillaye, Husson, rapporteur ».


L’académie, dont de nombreux membres étaient farouchement hostiles à cette pratique, ensevelit ce rapport qui proclamait la lumière et s’abîma dans une léthargie profonde.

Le rapport reconnaît la réalité des phénomènes observés sur le somnambulisme. Cette situation dérange énormément un grand nombre des membres de l’Académie dont Castel par exemple qui s’oppose à la publication du rapport. Ce dernier ne fut donc que autographié et non imprimé et le rapport doucement étouffé.

1837, la fin des rapports à l’Académie de Médecine

Ignorant cet épisode institutionnel, la profession de magnétisme retourne dans un silence digne de celui qui a suivi la révolution française. Un jeune médecin, Berna, parvient en 1837 à provoquer une nouvelle commission pour examiner non pas directement le magnétisme mais son penchant qu’est le somnambulisme. « Je propose de faire voir, sur des personnes que j’ai actuellement à ma disposition, des faits concluants en faveur du magnétisme ». Les membres de la commission ne sont pas choisis au hasard : Roux, Bouillaud, Hypolite Cloquet, Emery, Pelletier, Caventou, Cornac, Oudet et Dubois. Les deux premiers s’étaient régulièrement élevés contre les partisans du magnétisme les qualifiant de rêveurs qui s’occupent de bêtises. Hypolite Cloquet, contrairement à son frère Jules, témoigne de son scepticisme, les trois suivants, sans êtres de farouches opposants, n’étaient pas favorables à la pratique. Cornac était l’ennemi juré de la doctrine de Mesmer. Oudet seul était persuadé de la réalité du magnétisme mais n’avait pas la carrure pour combattre ses confères. Enfin Dubois, le rapporteur, avait écrit et publié des attaques aussi déloyales que venimeuses contre le Magnétisme et les magnétiseurs.

Le jeune Berna, confiant, d’une naïveté trop loyale se livra aux différentes expériences. Le rapport qui en ressort, lu le 7 août 1837 par M. Dubois porte le sceau du raisonnement le plus absurde, de l'ironie la plus inconvenante, de la mauvaise foi la plus insigne. M Berna protesta farouchement face aux conclusions par une lettre adressé au président : « Je proteste devant l'académie contre le rapport qu'elle a entendu tout récemment sur le Magnétisme animal. Je reproche à ce rapport de défigurer les faits qu'il mentionne, de taire les plus importants, de dissimuler la conduite de la commission, de représenter celle-ci comme imaginant, et moi comme repoussant des mesures dont j'avais fait au contraire, et le premier, mes conditions essentielles, j'accuse enfin ce rapport d'être un tissu d'artifices et d'insinuations qui ont pour conclusion implicite que j'ai voulu tromper l'académie. Je déclare que les expériences dont la commission a été témoin ne sont que le commencement de celles que je me proposais de faire sous ses yeux, je déclare, sur l'honneur, que je n'ai renoncé à lui en montrer d'avantage, que parce qu'elle a constamment violé l'engagement qu'elle avait pris de se conformer à mon programme, et principalement à la condition bien débattue, il est vrai, mais aussi bien formellement acceptée, de rédiger, lire et rectifier les procès-verbaux séance tenante. La nécessité où je me trouve de faire à l'instant même cette protestation ne me permet pas de plus longs développements, mais j'adresserai bientôt à l'académie une réfutation complète qui sera appuyée sur des pièces irrécusables, sur les termes mêmes du rapport, sur certains aveux qu'il renferme, sur la nature de la conviction que ses commissaires ont apporté à leur mission, et sur l'impuissance de tant d'adresse, d'aussi nombreuses infidélités, à édifier autre chose qu'un soupçon fugitif ». Husson répondit avec modération et dignité aux accusations qui lui ont été faites : « Je crois que la seule conclusion que l’on puisse tirer de ce rapport, c’est que dans les expériences faites par M. Berna devant la commission, elle n’a vu aucun des phénomènes que ce médecin lui avait annoncé devoir être produits. C’est la seule que je propose à l’Académie d’adopter, en passant à l’ordre du jour sur le reste du rapport ». Jules Cloquet riposte : « vous aurez beau faire, Messieurs, les faits sont irrécusables, et je ne serais pas étonné que, malgré la résistance la mieux combinée, la mieux soutenue, un beau jour le magnétisme vint prendre place dans la science où l’on refuse aujourd’hui de l’admettre ».

Frédéric Dubois, Examen historique et résumé des expériences prétendues magnétiques faites par la commission de l'Académie Royale de Médecine, Paris, 1833, p. 5.

Didier Berna, Magnétisme animal. Examen et réfutation du rapport fait par Monsieur EF Dubois (d'Amiens) à l'académie royale de médecine le 8 août 1837, sur le magnétisme animal, Paris, Rouvier, 1838, p. 52.

Frédéric Dubois (d'Amiens), Examen historique et résumé des expériences prétendues magnétiques faites par la commission de l'Académie Royale de Médecine, Paris, 1833.

J. Pigeaire, Puissance de l'électricité animale, ou du magnétisme vital et de ses rapports avec la physique, la physiologie et la médecine, Paris, Dentu, 1839.

Léonide Pigeaire

M. Husson, qui s’était chargé du rapport de 1826, s’enquiert de défendre le jeune médecin. Les débats sont mouvementés autour de la manœuvre de M. Dubois. M. Burdin se propose de calmer le débat en proposant un prix de trois mille francs à la personne qui pourrait lire sans le secours des yeux et sans lumière, limitant à deux années le temps des épreuves. Ce prix suscite bien évidemment de nombreux candidats proposant différentes expériences prouvant la puissance du magnétisme somnambule. Un grand nombre des postulants se sont trouvés refoulés du concours sous prétexte que les expériences proposées n’étaient pas conformes au programme. Mais il s’en trouve un qui est parvenu à convaincre de procéder à une expérience : le docteur de Pigeaire de Montpellier proposant les services de sa fille Léonide âgée alors de onze ans. Cette proposition fut aisément acceptée car motivée par le doyen de la faculté de la ville, M. Lordat. Le programme fut légèrement modifié le 20 mars 1838 car Léonide lisait sur des objets allumés. Ainsi, au lieu d'exiger du sujet qu'il lût sans le secours des yeux, de la lumière ou du toucher, il fut accordé que les objets seraient éclairés, et que le somnambule pourrait promener ses doigts sur une feuille de verre posée sur les mots à être lus.

Le docteur se rend ainsi à Paris avec sa famille sans oublier au préalable de faire de nombreuses expériences concluantes à Montpellier de lecture avec un bandeau de velours noir était collé sur les yeux devant les plus grands médecins de la région qui ont signé le procès-verbal attestant du fait. Toujours farouchement opposés à cette démonstration, les membres de la commission fixèrent leurs exigences et repoussèrent le bandeau au profit d’un masque confectionné par les commissaires. Devant cette attitude de renie le médecin se retira du concours sans même faire l’essaie de l’appareil offert. Les membres de la commission ont alors fait grand bruit de cet échec, justifiant le rejet du magnétisme.

Afin d’éviter tout nouveau démêlé sur ces questions de périmètre de la médecine, le Dr Double propose que l’Académie des sciences cesse de s’occuper à l’avenir du magnétisme animal tout comme l’Académie des sciences ne s’occupe pas de la quadrature du cercle et du mouvement perpétuel. D’autres protagonistes sont intervenus à l’académie, comme le Dr Comet par exemple en 1839. Comme son objectif n’était qu’éclairer l’Académie et non faire preuve de supériorité du magnétisme, une commission se pencha sur le sujet qui fut laissé sans suite.

Claude Burdin et Frédéric Dubois (d'Amiens), Histoire académique du magnétisme animal, Paris, 1841.

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